L'usine hydraulique de la rue du Vignoble se situe sur le cours de la Samme à moins de 500 mètres en aval du village de Feluy. Le contexte géologique paraît ici au moins aussi important que le contexte hydrographique. S'il est vrai que la Samme offre une pente et un débit suffisants pour actionner un puissant équipement hydraulique, la proximité des affleuremetns de petit granit constitue une raison supplémentaire pour profiter ici des ressources énergétiques de la rivière.

Ce secteur du village de Feluy est significativement connu sous le nom de "la Roque". A peu de distances apparaît le toponyme "les Roquettes". Du fait de la déclivité marquée des versants de la vallée, des affleurements de calcaire y furent exploités dès le moyen âge. Les traces de plusieurs sites d'extraction sont encore reconnaissables dans les environs immédiats de l'usine de la rue du Vignoble.
Et tout particulièrment entre cette dernière et la voirie dite "hameau de la Rocq". Comme on le verra, la date de construction de l'édifice est un argument supplémentaire pour y voir un équipement ulitisé dans la perspective de l'exploitation du petit granit, très probablement une sciérie de pierres.

Malgré la proximité du canal de Bruxelles à Charleroi (qui a imposé de nombreux ajustements dans la gestion hydrologique), la Samme offrait ici assez de ressources pour permettre l'installation d'une usine performante. Celle-ci était actionnée grâce à l'accumulation d'eau dans le lit de la rivière. C'est probablement, dès l'origine, par le biais d'une turbine que l'usine était mise en action. Un canal souterrain conserve le souvenir de cette partie de l'équipement. Un remarquable portique en pierre, probablement établi au moment de la création du canal, se situe à moins de 50 mètres en amont du bâtiment. Comme celui qui se trouve un peu en amont de la place du village, il devait aider à la gestion des eaux et ménager les intérêts des mariniers et ceux des exploitants de la sciérie.

Le bâtiment est d'un volume particulièrement important. Placé en longueur le long de la rivière, sur un soubassement en appareil réglé, il se complète d'une annexe qui devait couvrir une partie du cours d'eau. Un portique à deux vannes se situait dans son prolongement. Son cadre subsiste encore.

Le bâtiment s'étend sur une longueur de 11 travées. Ces dernières se marquent surtont, du côté du cours d'eau, par des alignements de baies sous arc en plein cintre. La grande régularité des percements, sur deux niveaux et demi de hauteur, est une autre caractéristique des usines hydrauliques à caractère industriel. L'ordonnance de la façade, côté rivière, n'est troublée que par le rapprochement de certains percements (en corrélation avec des ressauts dans le mur côté cour) et l'existence de deux portes en lieu et place de fénêtres.

Une habitation occupe aujourd'hui les trois premières travées de la bâtisse côté amont. Elle est probablement le résultat d'un aménagement tardif. Le millésime 1850, sur le façade côté cour, n'est pas d'origine mais pourrait correspondre à la date de construction du bâtiment.

Gérard BAVAY

Literatuur

G. Bavay (coörd.), "Patrimoine et histoire des moulins en Hainaut - Inventaire descriptif", Analectes d'histoire du Hainaut, tome XI, Mons, Hannonia, 2008, p. 201-202.
"Moulins en Hainaut", Mons, Hannonia / Bruxelles, Crédit Communal, 1987.
D. Massart & A. Philippart, Moulins à eau et à vent de Seneffe, Seneffe, Société de Recherche Historique et Folklorique de Seneffe, 1989, 103 p.
Gérard Bavay, "Feluy et cent barrages médiévaux en Hainaut", dans Actes du Congrès de la Fédération des Cercles d'Histoire et d'Archéologie de Belgique", Ottignies, Louvain-la-Neuve, 2004 (2007), p. 152-173.