Les moulins Saint-Jacques

Martin dit de Dessous-le-Mont avait acheté lui aussi au comte de Hainaut une part des revenus du moulin de David : Au molin à David a li cuens les II pars au blet, et por le rente de le farine li doit-on au Noël V rasières de ferine. S'a le parchon encontre le conte en ce molin Martins Dessous-le-Mont (1265-1285)(1).

En 1460, le moulin est déjà composé de deux bâtisses, on cite: "...en la fosse des moulins jumiaulx au devant dou preit que on dist as asnes.. "

Les eaux provenant des ruisseaux de l'abbaye et de Bruille se jetaient dans la Samme. Elles étaient retenues par un pont barrage dit pont à Bouzarte qui alimentait un bief dit "fausse rivière", ce dernier alimentait les roues des moulins "jumeaux"

Saint-Jacques dont un servait à moudre les céréales et l'autre les écorces.

Le compte du Domaine de 1493 cite Arthur Dessars, charpentier; il effectue diverses réparations aux trois moulins de Saint-Jacques, couverts d'estraing" (2).

En 1545 les meuniers de Saint-Jacques sont cités: "Au premier ressaud du moulin aux escorces au dehors la porte de Saint-Jacques que tient à ferme Baulduin Dept le terme de trois ans commençant au er jour du mois de juin 1543.

Au second ressaud dudit moulin que tient la vesve Ypoliet Gharit pour trois ans...".

Lors du sac de la ville en 1554, le moulin aux écorces fut brûlé (3). Il n'était toujours pas rebâti en 1609 (4). Les deux autres tournants du moulin Saint-Jacques sont tenus depuis 1558 par Jehan de le Monzée (5).

Cette année là les moulins Saint-Jacques furent rebâtis par Guillaume Le Nain, maçon et son manouvrier; Jaspar de Thuin et Jehan le Frogin, chaufourniers; Jehan Pitepan et Jehan de Brabant, chartons; Jehan Denis, couvreur; Pierre Robert et Nicaise Lucq, serruriers; Ursmer Cornille entoura le moulin de fossés "pour empêcher les bestes de manger la paille tombée du toit du moulin " (6).

Jehan Rolland commença son bail des deux tournants du moulin à eau le 1-1-1570. Ils furent brûlés en 1578 lors du siège de la ville, le locataire étant Martin Remy (7).

Le 29-11-1606 Anthoine Ghobart et Jean Walbrecq commençaient le bail des "deux tournants de Saint-Jacques". Ils y sont encore en 1613-1615 (8).

En 1703, propriété de la veuve Jean Bourlard.

Doté d'un faux rieu en 1707.

Auguste Danneau était déjà meunier en 1780, il tenait le moulin Saint-Jacques à rentes, celles-ci étaient dues à l'Impératrice Marie-Thérèse.

En 1785, le moulin nécessita des réparations effectuées par J.B. Ramboux pour 39 livres et par le maçon André Maréchal pour 105 livres (9).

Le moulin fut vendu comme bien national au sieur Bourgeois d'Aubechies, celui-ci le loua à bail à Danneau Maximilien. Le 20-9-1796, celui-ci demanda à être dégrevé de sa cote de patente car il louait le moulin à André Maréchal, tanneur.

En 1828, survint un conflit entre la Ville et le propriétaire du moulin à propos de la possession des murs du bief : "Une grande partie des murs qui se trouvent le long de la chaussée dite Saint-Jacques, Faubourg de cette ville, entre le grand réservoir et le gouffre de sa décharge et servant de garde-fou aux passants, sont tombés en ruine jusqu'au rez de chaussée, et avaient déjà occasionné la mort d'un individu de cette ville qui s'est précipité et noyé dans le dit gouffre. Le propriétaire se refuse à effectuer les réparations qu 'il prétend être à charge de la Ville".

Une discussion à ce propos eut lieu au Conseil de Régence de la ville le 12-5-1820, basée sur la possession des lieux: "Mr Bourgeois d'Aubechies, ex juge du tribunal de Charleroi se déclare sur la non possession d'aucun héritage contigu audit gouffre, mais les murs en ruine outrepassent l'entonnoir formé par le gouffre dans lequel il avait exclusivement le droit de pêche, tel qu'avaient ci-devant les gouvernements autrichiens et français. Il est au dessous de toute contestation qu'un des deux ruisseaux qui conduisent l'eau audit moulin découlle de Vellereille-lez-Brayeux et Bruille, et après avoir donné un pouce d'eau au propriétaire du château de Bruille abandonne à cet endroit son ancien cours et sert à ramener son eau par des digues artificielles et nouvelles audit moulin ".

Le problème n'est toujours pas résolu le septembre 1820, le Conseil examina l'avis de l'avocat Auguste Fontaine sur la question : à qui incombe l'obligation de réparer les murs du bief?

Maximilien Danneau était l'époux de Marie-Philippe Leroy. Il décéda à Battignies le 10-5-1830. Leur fils, Désiré, meunier, né à Binche le 6-10-1804, épousa Norbertine Dupuis en 1832.

Le 29-12-1842, ce dernier achèta avec son épouse, le moulin Saint-Jacques, devant le notaire Auguste Fontaine, à Maximilien Hubert Jh. Bourgeois d'Aubechies, domicilié à Aubechies :
"Moulin à eau à moudre le blé, avec habitation, remise, jardin, écuries sis hors la porte Saint-Jacgues, tenant à la chaussée, au chemin de ronde de la ville, à Courtois et Legendre, à Milcamps-Leclercq, ledit moulin comprenant roues, meules, cordes, armâtes tournantes et travaillantes, canal et réservoir".

Le vendeur le tient à titre de patrimoine et par suite de succession de frères et soeurs... et ce bien est occupé par l'acquéreur en suite du bail passé devant le notaire Sebille, le 17-1-1835... le bien est vendu pour la somme de 16.000 fr.

Le 9-4-1864, Désiré Danneau demanda l'autorisation d'établir une machine à vapeur munie de sa chaudière, destinée à moudre les grains et les écorces, dans son moulin sis sect. A 154 du cadastre.

Les enfants de Maximilien Danneau travaillèrent tous dans cette branche d'industrie, Désiré et Auguste furent meuniers, Nicolas fut marchand de farine et Eugénie, épouse Louis Leclercq, marchande de grains.

Le plan Popp de Binche vers 1862 reprend à l'article 544, Daneau Désiré, meunier, Binche, sous les cotes:
A 154e, moulin à tan, 20a.
A 154f, moulin à eau à farine, 2 a. 60 ca.
A 154g, maison, 2 a. 80 ca.

Le 3-11-1868, la Ville de Binche intente un procès contre Désiré Daneau à propos des murailles défaillantes du bief du moulin (10).

Vers 1878, Désiré Daneau se retira des affaires, il est alors domicilié à Saint-Gilles lez Bruxelles. Le 10 avril de cette année il autorisa Louis Daneau, meunier à Binche pour le représenter devant les tribunaux (11).

Le 25-6-1883, François Dubois, constructeur domicilié à Trazegnies, procéda à l'inventaire des moulins Saint-Jacques appartenant à Louis Daneau. Ce dernier louait alors le moulin à Erasme Grumiau.

En voici la description et la valeur respective des pièces inventoriées :

Moulin à écorces

Arbre tournant, coussinets, crapaudines, plumats, torrillons anglais 475 fr.
Roue et accessoires 600 fr.
Rouet et moteur 255 fr.
Chevilles du dit rouet 20 fr.
Ponts, brouilles, templures avec crémaillères 40 fr.
Pignon, cône 65 fr.
Fer de meule, tracette, anille, manchon, boittard, fléau 100 fr.
Tire sac et accessoires 75 fr.
Meule courante : 30 cm. d'ép. et 1,5 m. diam. 310 fr.
Meule gisante 20 cm. 90 fr.
Caventure et chaise 15 fr.
Tremise, civière, anchier, auget 25 fr.
Bouclettes d'alimentation de décharge 8 fr.

Moulin à farine

Arbre tournant 225 fr.
Roue et accessoires 350 fr.
Deux bacs menant l'eau sur les roues 20 fr.
Rouet 140 fr.
Chevilles du dit rouet 40 fr.
Berce avec fuseaux 75 fr.
Arbre vertical en bois avec tracette, torrillons anglais 55 fr.
Hérisson avec bras 110 fr.
Chevilles de l'hérisson 12 fr.
Pont brouille 35 fr.
Pont des meules et templures 35 fr.
Lanterne et fuseaux 70 fr.
Fer des meules anglaises, tracette, anille 80 fr.
Fer des meules de givres, tracette, anille 40 fr.
Meules anglaises d'1 m.40 cm. et 95 mm. d'usure et la gisante de 32 mm. d'usure 550 fr.
Archure, civière et trémise 30 fr.
Bluteries et poulies motrices 55 fr.
Deux buses 5 fr.
Un établi de menuisier 10 fr.
Engin à lever les meules 50 fr.
Cordes au dit engin 18 fr.
Bascule avec 108 Kg. de poids bracettes 25 fr.
18 Kg de marteaux de moulin à sacs 27 fr.
Une balance avec 105 Kg de poids, cordes, plateaux 30 fr.
Deux leviers de fer, deux marteaux (1 gros, 1 petit) 18 fr.
Six vannes de décharge 120 fr.
Un criet, deux échelles, deux crémaillères 80 fr. (12)

Le moulin fut reconstruit par Emile Mahieu, architecte de la Ville et Florent Carnon, entrepreneur à Vellereille-lez-Brayeux. Le coût s'éleva à 2.073 fr 80 cts.

Nous pouvons lire un encart publicitaire paru le 14-8-1892, dans le journal "La Constitution" :
"moulin à louer. Un moulin à e'corce et à farines mû par l'eau de la rivière Princesse avec tous ses accessoires, connu sous le nom de moulin Saint-Jacques, maison d'habitation, jardin, remise. S'adresser à M. Charles Monniez, receveur particulier à Binche. "

Le moulin fut vendu à la Ville de Binche.

Le 23-11-1893 Arthur Sebille passe une convention avec la Ville de Binche représentée par le bourgmeste Eugène Derbaix et les échevins Gustave Babusiaux et Gustave Rochez :
" Le dit Arthur Sebille renonce au profit de la Ville, au cas où il serait adjudicataire du moulin Saint-Jacques, à tous ses droits sur le bief du dit moulin sis en cette ville, faubourg Saint-Jacques, section A, tenant à Derbaix, Sebille Arthur, Leroy, Devergnies, Monniez et Outelet, sur les eaux de ce bief, sur les vannes, chutes d'eau et aqueduc... peu importe que ces droits résultent d'un octroi de concession, de titres ou de possession ancienne".

Cette cession a lieu moyennant le paiement au dit Sieur Sebille par la Ville d'une somme de deux mille francs.

La présente convention est subordonnée aux conditions suspensives:
1) A l'adjudication du moulin avec la dépendance du barrage au profit de Monsieur Arthur Sebille,
2) A l'approbation de l'autorité supérieure.
La Ville se réserve le droit de faire réaliser la présente convention par acte notarié à passer devant les notaires de la ville de Binche.
Dans le cas de la suppression des barrages, il est entendu que si l'un ou l'autre des propriétaires riverains du canal de dérivation , tant en amont qu'en aval du moulin, élevait des prétentions au sujet des dommages que pourrait lui causer la dite suppression, ce serait à la ville de supporter les frais de l'action qui s'en suivrait et le cas échéant, les dommages intérêts qui seraient accordés du chef de toute réclamation".

La Ville revendra vers 1879 (mutations cadastrales), le moulin Saint-Jacques à Arthur Sebille, tanneur et corroyeur né à Binche le 1-2-1866, époux de Julie Leroy. Ce dernier ne s'en servira que pour la mouture des écorces à fabriquer le tan.

Il fut souvent en conflit avec la blanchisserie "Padsou les remparts" car il délaissa le moulin et les eaux du bief devinrent stagnantes.

(1) Devillers L. Cartulaire des rentes et cens dus au comte de Hainaut, t.l, Mons, 1873.
(2) Archives Générales du Royaume à Bruxelles (A.G.R.), Chambre des Comptes (C.C.) 8854.
(3) A.G.R.- C.C. 8919.
(4) A.G.R.-C.C. 8966
(5) A.G.R.-C.C. 8919.
(6) A.G.R.-C.C. 8919.
(7) A.G.R.-C.C. 8937.
(8) A.G.R- C.C. 8970.
(9) A.G.R.- C.C. 9097.
(10) Archives de la Ville de Binchen, 00-00-01-15.
(11) Archives de l'Etat à Mons. Enrégistrement des Domaines, bureau de Binche, Actes sous seing privé, reg. 39.
(12) Archives de de l'Etat à Mons, Enrégistrement des Domaines, bureau de Binche, Actes sous seing privé, reg. 41.

A. GRAUX

Devillers L., Cartulaire des rentes et cens dus au comte de Hainaut, t. l, Mons, 1873 (acte de 1265-1285).
Archives Générales du Royaume à Bruxelles (A.G.R.), Chambre des Comptes (C.C.) 8854.
A.G.R.- C.C. 8919.
A.G.R.-C.C. 8966
A.G.R.-C.C. 8919.
A.G.R.-C.C. 8919.
A.G.R.-C.C. 8937.
A.G.R- C.C. 8970.
A.G.R.- C.C. 9097.
Archives de la Ville de Binchen, 00-00-01-15.
Archives de l'Etat à Mons. Enrégistrement des Domaines, bureau de Binche, Actes sous seing privé, reg. 39.
Archives de de l'Etat à Mons, Enrégistrement des Domaines, bureau de Binche, Actes sous seing privé, reg. 41.
A. Graux, "Binche, des métiers et des hommes. Contribution à l'histoire économique de Binche", Revue de la Société d'archéologique et des amis du musée de Binche, n° 16, 1998.
Gérard Bavay, "Patrimoine et histoire des moulins en Hainaut - Inventaire descriptif", Mons, Hannonia, 2008. (Analectes d'histoire du Hainaut, tome XI).
"Moulins en Hainaut", Mons, Hannonia / Bruxelles, Crédit Communal, 1987.