En 1803, une filature de coton est installée par Léopard Tiberghien dans les locaux de l'ancienne abbaye bénédictine de Saint-Denis. L'industriel réaménage l'imposant volume des anciens dortoirs et réfectoires pour y faire travailler des centaines puis des milliers d'ouvriers et ouvrières.

Pour animer les machines utilisées pour le filage, il a l'idée de valoriser l'ancien aqueduc de la Fontaine de Mons. Cest à la fin du 14e siècle que les autorités montoises avaient pris l'initiative de recueillir les eaux du ri de la Fontaine de Mons (un peu en aval du village de Casteau) pour les canaliser et les conduire vers la fontaine qu'ils établirent à ce moment dans leur bonne ville. Ce canal longe toute la vallée de l'Obrecheuil et traverse nécessairement le site de l'abbaye de Saint-Denis. Au 17e siècle, ce canal est toujours en activité et les moines doivent le voûter avant de construire, au-dessus, le choeur de leur nouvelle église abbatiale.

Léopard Tiberghien trouve ainsi un canal bien alimenté en eau et qui traverse, par le dessus, l'ancienne abbaye bénédictine. C'est sans doute de cette manière que lui vient l'idée de capter cette eau et de l'utiliser pour le bénéfice de sa propre entreprise. Il détourne l'eau pour le faire passer dans une turbine placée sous le niveau des caves de l'ancien aile des dortoirs et réfectoires. Deux vannes déstinées à régler l'admission des eaux dans la turbine sont encore visibles au point d'aboutissement du canal. Les traces du logement et des canalisations liées à cette turbine sont toujours visibles à l'heure actuelle. De là, Léopard Tiberghien creuse, à travers toute la grande cour de l'abbaye, un canal solidement voûté. Les eaux exploitées à travers la turbine rejoignent ainsi la rivière à hauteur de l'ancienne porte sud.

La filature cesse ses activités en 1958. Le site est racheté par les pères des Missions de Scheut. Lors du démontage en 1959 des machineries dans les anciens dortoirs-réfectoires des moines, le bâtiment flambe complètement. Les Scheutistes construisent alors en 1960 un nouveau bâtiment à l'emplacement des continus de la filature.

Le 22 mai 1978, le domaine de 18 hectares est racheté par une coopérative d'habitat groupé qui restaure les bâtiments historiques et qui seront en partie classés. Elle vend en 1984 le seul bâtiment des Scheutistes à la Communauté française. Celle-ci le revend à une société immobilière qui transforma le bâtiment en appartements.

Gérard BAVAY

G. Bavay (coord.), "Patrimoine et histoire des moulins en Hainaut - Inventaire descriptif", Analectes d'histoire du Hainaut, tome XI, Mons, Hannonia, 2008, p. 283-284, ill.
"Moulins en Hainaut", Mons, Hannonia / Bruxelles, Crédit Communal, 1987.